CKRAFT, entre ténèbres et éblouissement, pourra vous emporter dans un tourbillon au centre duquel sont convoquées des inspirations que les oreilles les plus curieuses identifieront aisément, sans pour autant occulter la singularité d’une vision qui se veut – vaste programme ! – à la fois « discordante et épique ». La surpuissance saturée de Meshuggah, l’approche martiale et la basse rugissante de Magma, la discipline ensorcelante de King Crimson, les envolées stellaires de Guillaume Perret... Ceci pour citer seulement quelques parentèles venant spontanément à l’esprit. Vincent Peirani, figure tutélaire, est quant à lui forcément tout près d’ici, lui qui est passé maître dans l’art de fusionner des univers en apparence parfois contraires au sein de son bien nommé Living Being. Mais il y a CKRAFT avant tout, ce groupe audacieux qui semble ne pas craindre de semer le trouble en exprimant très fort ce que d’autres disent beaucoup plus bas. Il faut lui reconnaître cette volonté de ne pas verser dans la demi-mesure, quitte à prendre le risque de dérouter. Est-ce du rock ? Est-ce du jazz ? Qu’est-ce donc ? On parle de « jazz métal » pour prendre le chemin le plus court et parce qu’il faut bien trouver des mots dès lors qu’il s’agit de traduire ce qui ne se formule pas si aisément en langage courant. Alors au diable les étiquettes et autres classifications trop commodes, parce qu’à l’évidence on se situe ailleurs… CKRAFT est une alliance « sui generis » de rigueur sauvage et de liberté, sans a priori formel mais volontiers jusqu’au-boutiste dans son exigence. On pourrait avoir peur de ce qui s’apparente à une manière d’intransigeance, mais qu’on se rassure : ces cinq-là sont en prise directe avec le monde étrange qui les entoure, ils l’éprouvent chaque jour, à l’instar de chacun d’entre nous. Et puisqu’ils en ont perçu la démesure et les folies, on peut être certain qu’ils sauront mobiliser toute la force de leur métal en fusion, à chaque rendez-vous, pour transmettre leur vibration en droite ligne du cœur et de l’âme. Là est bien l’essentiel.

Denis Desassis – Citizen Jazz