A trop vouloir mettre à tout prix les rappeurs dans tel ou tel moule, à force de considérer son public comme des parts de marché, le rap français crée des hommes à part, en marge. De ceux-là, des artistes qui depuis quinze ans n’acceptent ni concession ni ne se plient aux règles d’un jeu trop redondant, Arm fait partie. Codé, son nouvel et dixième album, en est une preuve supplémentaire.

Au-dessus de nos têtes, les nuages s’accumulent, c’est dimanche, il pleut ; un type, la capuche sur la tête, courbe le dos sur une page vierge et noircit des lignes. Nous sommes en Normandy, pas loin de l’agglomération de Rouen, oubliés dans la conurbation rurbaine, en zone dortoir… Vîrus pratique l’écriture en profondeur, comme un auteur en apnée dans les abysses de nos indéfectibles travers, de nos renoncements, nos faiblesses, nos sales misères. Il les remonte au grand jour, les ausculte de façon clinique. Une écriture singulière qui lui a valu d’être le premier rappeur invité par l’Ecole Normale Sup’ de Paris pour parler des mots et du reste, ou de figurer parmi les artistes les plus annotés du site spécialisé Rap Genius… Vîrus fait tomber les masques et t’oblige à regarder la grimace de ton visage sous le sourire que les faiseurs de divertissements tentent de t’imposer, que ce soit au travers de ses Ep’s en solo, au sein de l’Asocial Club ou lorsque, depuis 2017, il incarne Jehan-Rictus, poète gênant du XIXème siècle, aux côtés de Jean-Claude Dreyfus… A quoi bon me direz-vous aller creuser si profond ? Peut-être parce qu’il faut visiter le gouffre pour vouloir devenir plus humain. Se vautrer dans la fange, mourir, et renaître, débarrassé des scories de l’humanité, qui peine à passer le stade de la chenille rampante, pour peut-être devenir le papillon quantique… Quand Vîrus sortira la tête du trou, l’humanité deviendra alors peut-être fréquentable…